Le 23 novembre 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt annulant une partie du règlement 2020/217. L’annulation concerne la classification et l’étiquetage harmonisés du dioxyde de titane (Carc 2, H351), incluant les mentions de danger EUH 211 et EUH212. Cette décision a fait l’objet de nombreuses publications et discussions.
Au-delà du cas particulier du TiO2, cet Arrêt met en lumière des faits fondamentaux. En effet, il rappelle la légitimité du Tribunal à contrôler le bon respect des règles et des procédures inhérentes à l’application des textes européens, sans s’immiscer dans des discussions scientifiques. En l’occurrence, le Tribunal a estimé que l’ECHA, et la Commission Européenne, avaient commis une « erreur manifeste » en ne prenant pas en compte l’ensemble des données disponibles et considérées comme pertinentes. Et surtout, il propose, pour la première fois, une définition légale de la notion de « propriété intrinsèque ».
Les propriétés intrinsèques sont les pierres angulaires des principales réglementations Européennes que sont le CLP (1272/2008) et REACh (1906/2007). Pour le CLP, la classification doit caractériser les propriétés intrinsèques, sans plus de précisions. Pour REACh, les substances listées à l’annexe IV sont exemptées d’enregistrement parce qu’elles présentent « un risque minimal du fait de leurs propriétés intrinsèques » (article 2.7.a), les annexes VII à X visant à caractériser les propriétés intrinsèques (article 13). C’est sur base de ces mêmes propriétés intrinsèques que l’on juge de la nécessité de conduire une évaluation des risques, de catégoriser une substance comme extrêmement préoccupante (SVHC), ou de la soumettre à Autorisation ou à Restriction.
Aucune définition de la notion de « propriété intrinsèque » n’est proposée dans les textes réglementaires applicables. Le seul élément dont nous disposons est via le site ECHA-term (https://echa-term.echa.europa.eu/). En référence à un glossaire compilant les termes associés à REACh en 2007 et 2008, il est proposé : « Caractéristique de la substance qui peut être utilisée pour déterminer son devenir ou pour identifier les éventuels risques. » ; définition peu explicite, en plus de ne pas être issue d’un texte réglementaire.
Ainsi, le Tribunal, après avoir rappelé que la classification selon le CLP et le GHS, doit être établie sur la base des propriétés intrinsèques, propose d’interpréter le terme dans son sens littéral, comme étant les « propriétés d’une substance, qui lui appartiennent en propre ». Cela peut paraitre trivial mais c’est fondamental. En effet, cela rappelle que c’est la nature chimique d’une substance qui doit faire l’objet de la caractérisation des dangers. Si cette dernière est influencée par sa nature physique, cela doit également être pris en compte ; c’est notamment le cas des formes nanométriques qui modifient la réactivité surfacique ou la densité surfacique d’une substance. Par contre, cela exclut tout danger induit par des « propriétés qui ne sont pas propres à la substance ». Ainsi, dans le cas du TiO2, il a été estimé que la carcinogénicité était due aux poussières insolubles, donnant lieu à de l’inflammation chronique, indépendamment de la nature chimique des particules. Cette classification caractérisait un effet non attribuable à la substance TiO2, mais uniquement à son état physique. De ce fait, le Tribunal réfute toute classification pour le TiO2 sur la base des éléments et arguments de l’ECHA et de la Commission. Cela inclut l’éventuelle classification relevant de la catégorie 2 (suspecté) puisqu’elle ne caractériserait pas « une propriété intrinsèque ».
Ceci est un nouvel exemple que la réglementation, et son application, sont en perpétuelle évolution. Les processus réglementaires tendent vers plus de transparence et d’objectivité, et des mécanismes existent pour s’assurer du bon fonctionnement du système et du respect des règles.
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