Le monde de l’évaluation biologique des dispositifs médicaux (DM) vit une petite révolution avec la récente publication de la nouvelle norme ISO 10993-23:2021 (Essais d’irritation). Jusqu’à présent, l’irritation et la sensibilisation étaient évaluées via une seule et même norme : la norme ISO 10993-10:2010.
A l’instar d’autres réglementations (ex. règlement CE des produits cosmétiques N° 1223/2009 et règlement CE REACh N° 1907/2006 des produits chimiques), des tests in vitro d’irritation cutanée validés pour les DM pourront désormais être utilisés comme une alternative aux tests in vivo grâce à la nouvelle norme ISO 10993-23:2021 !
L’approche « par étapes » qui existait déjà dans la norme ISO 10993-10 pour l’irritation et la sensibilisation a été révisée et affinée pour s’adapter spécifiquement à l’irritation.
Les tests in vitro constituent la troisième étape après la caractérisation chimique et la revue de la littérature pour évaluer le potentiel irritant des constituants d’un DM. Les tests in vivo ne seront envisagés que si les 3 étapes précédentes ne permettent pas de conclure sur le potentiel irritant.
Les tests in vitro d’irritation cutanée de la norme ISO 10993-23 sont basés sur la ligne directrice OCDE 439 (Irritation cutanée in vitro : essai sur épiderme humain reconstitué) qui a été développée pour les produits chimiques. Elle est adaptée et validée pour détecter le potentiel irritant de composés présents dans les extraits polaire et apolaire (ISO 10993-12).
Parmi les 6 modèles d’Epiderme humain Reconstitué (EhR) validés dans l’OCDE 439, seuls les deux modèles EpiDerm™ Skin Irritation Test EPI-200 et SkinEthic™RHE sont, pour le moment, validés.
L’interprétation des résultats est soumise aux limites de ces tests. Par exemple, les tests in vitro ne permettent qu’une catégorisation « binaire » de la réponse : si les deux extraits sont négatifs (viabilité cellulaire > 50%), le dispositif sera considéré comme Non-irritant (équivalent au grade in vivo « négligeable ») ; si un résultat positif est obtenu avec au moins un des deux extraits (viabilité cellulaire ≤ 50%), alors le DM sera considéré comme Irritant (équivalent au grade in vivo « grave »). Un test in vivo ne sera pas nécessaire si les tests in vitro sont clairement négatifs. En cas de résultat positif (Irritant) obtenu dans un test in vitro, la norme n’est pas très claire sur le processus itératif (notamment le recours à un test in vivo pour catégoriser le potentiel irritant), et n’offre pas vraiment de guide sur ce point. Le jugement d’expert sera de rigueur !
De même, la norme ISO 10993-23 stipule que des matériaux habituellement incompatibles avec l’extraction comme les liquides, les gels et les pâtes, pourraient être testés via les tests in vitro, mais seulement s’ils sont préalablement validés pour détecter correctement le potentiel irritant de ce type de matériaux. Les tests d’irritation cutanée in vitro ne sont pas applicables pour les gaz, aérosols et les matériaux solides requérant un contact direct.
La nouvelle norme ISO 10993-23 peut être considérée comme étant « l’état de l’art » pour les DM. Sa mise en œuvre nécessitera toutefois une période de transition. Pour les DM actuellement sur le marché ou qui le seront dans un avenir proche, aucun test supplémentaire d’irritation cutanée in vitro ne devrait être requis, si cet effet est correctement évalué via d’autres données, par exemple des tests d’irritation cutanée in vivo. Toutefois, d’un point de vue du bien-être animal, ces tests d’irritation cutanée in vitro doivent être considérés en première intention.
Pour d’autres types d’expositions comme l’exposition oculaire, les méthodes in vitro ne sont pas encore validées pour les DM. Pour la sensibilisation cutanée, la mise en œuvre nécessitera de prendre en compte les critères complexes liés à cet effet.
Le bien-être animal et le respect des « 3 R », ainsi que les exigences d’autres réglementations devraient permettre de relever ces défis dans les années à venir !